J’ai longtemps enseigné le 18 brumaire à mes étudiants… et ce n’était pas populaire. Le texte est absolument génial, il regorge d’aperçus lumineux et d’éclairs d’interxtualité, mais j’avais peine à convaincre mon auditoire que c’était LE modèle théorique pour comprendre les processus des dé-démocratisation (confinées au monde non-occidental, à l’époque). Je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’inquiéter que l’on ressente aujourd’hui, de manière aussi évidente, son actualité.
Sur le délire anti-woke de l’administration Trump, les mots de Marx sont prophétiques:
"La société est sauvée aussi souvent que le cercle de ses maîtres se rétrécit et qu’un intérêt plus exclusif est défendu contre un intérêt plus large. Toute revendication de la plus simple réforme financière bourgeoise, du libéralisme le plus vulgaire, du républicanisme le plus formel, de la démocratie la plus plate, est à la fois punie comme « attentat contre la société » et flétrie comme « socialiste ». Et, finalement, les grands prêtres de « la religion et de l’ordre » sont eux-mêmes chassés à coups de pied de leurs trépieds pythiques, tirés de leur lit en pleine nuit, fourrés dans des voitures cellulaires, jetés au cachot ou envoyés en exil. Leur temple est rasé, leur bouche scellée, leur plume brisée, leur loi déchirée au nom de la religion, de la propriété, de la famille et de l’ordre. Des bourgeois fanatiques de l’ordre sont fusillés à leur balcon par une soldatesque ivre, la sainteté de leur foyer est profanée, leurs maisons sont bombardées en guise de passe-temps, tout cela au nom de la propriété, de la famille, de la religion et de l’ordre."
Je ne suis pas d’accord sur la question du mépris des paysans par Marx. C’est l’allégorie du sac de patate, et elle est très éclairante pour comprendre la base sociale du bonapartisme… Le paysan à parcelle, c’est l’Américain surendetté qui va bientôt perdre les seuls emblèmes de sa dignité: son shoebox et son char. On est loin d’une théorie du complot.
Le rapport de Marx aux paysans est ambigu. Il publie un texte charnière pour son œuvre dans la Gazette Rhénane en 1842, qui porte sur le vol de bois chez les paysans. Plus tard, toute la partie historique du Capital revient sur la question de la paysannerie à travers les réflexions sur la féodalité, les encolsures et l'accumulation primitive. On parle quand même de l'"abêtissement de la vie rurale" dans le Manifeste du Parti Communiste (1848) et Marx a des mots très durs sur les paysans dans la Lutte des Classes en France (1850)... Au-delà de Marx, on peut dire que la nature essentiellement urbaine du mouvement ouvrier au 19e siècle pose parfois problème quand vient le temps d'expliquer les motivations politiques paysannes. Il faut lire la Terre de Zola pour voir ce mépris à l'œuvre. J'irais plus loin en disant que cette tendance urbanocentrique est restée présente dans certains mouvements de gauche, même si plusieurs ont tenté de s'en défaire.
Je n'accuse pas du tout Marx de tomber dans les théories du complot, mais je vois cette tendance se dessiner chez des analystes contemporains pour qui le problème serait à chercher essentiellement dans le discours. Selon cette logique, si les "paysans" modernes (ou leur équivalent) appuient Trump, c'est parce qu'ils seraient corrompus d'en-haut par des méchants médias payés par les lobbys conservateurs. Il conviendrait alors de les éclairer de nos lumières pour que tout change. Je caricature un peu, mais vous voyez le topo. C'est ce que je qualifierais de "complotisme soft", dans le sens où on balaye du revers de la main les motivations des trumpistes comme étant foncièrement irrationnelles et téléguidées par des agents malveillants. Je pense, au contraire, que cette malveillance est structurelle, et qu'elle est à chercher dans l'organisation de la société, de l'économie et du territoire américains. C'est en ce sens que je citais Robert Putnam dans un billet d'il y a un bout pour parler de "sociétés construites pour s'autordétruire". Je vais sonner comme Henri Lefebvre, mais l'imaginaire trumpien est une production de l'espace américain, pas une manipulation. Du reste, je suis d'accord avec vous que l'allégorie du sac de patates est éclairante. C'est la force de Marx d'arriver à identifier les conditions matérielles de production des idéologies et des discours.
Merci pour l'analyse rafraîchissante dans le paysage québécois et pour le tour d'horizon des différentes tentatives de faire sens de ce qui en semble dénué.
On sait tous très bien que nous avons les ressources et les machines pour fournir à chacun bien plus qu’un toit et à manger.
Il est clair que les jobs dont personne ne veut et que les machines ne peuvent honorer seront bientôt les mieux payés.
Connaissez-vous beaucoup de banquiers ou de personnes siégeant sur des C.A. ne pouvant être avantageusement remplacée par des avatar IA?
Et les tartes infectes qui rubberstampent les élubrications de L’agent orange ou les aspirations écocidaires de nos mononcles caquistes n’ont rien de plus humaines que leurs patrons.
Poid Lièvre par contre c’est autre chose.
Unique, sans équipe apparente.
Tout le budget botox, cosmétique, diction etc concentré sur un gars
Des dizaines de spin doctor sur huit phrases .
Donc des phrases parfaites aléatoirement données à n’importe quelle question.
J’ai longtemps enseigné le 18 brumaire à mes étudiants… et ce n’était pas populaire. Le texte est absolument génial, il regorge d’aperçus lumineux et d’éclairs d’interxtualité, mais j’avais peine à convaincre mon auditoire que c’était LE modèle théorique pour comprendre les processus des dé-démocratisation (confinées au monde non-occidental, à l’époque). Je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’inquiéter que l’on ressente aujourd’hui, de manière aussi évidente, son actualité.
Sur le délire anti-woke de l’administration Trump, les mots de Marx sont prophétiques:
"La société est sauvée aussi souvent que le cercle de ses maîtres se rétrécit et qu’un intérêt plus exclusif est défendu contre un intérêt plus large. Toute revendication de la plus simple réforme financière bourgeoise, du libéralisme le plus vulgaire, du républicanisme le plus formel, de la démocratie la plus plate, est à la fois punie comme « attentat contre la société » et flétrie comme « socialiste ». Et, finalement, les grands prêtres de « la religion et de l’ordre » sont eux-mêmes chassés à coups de pied de leurs trépieds pythiques, tirés de leur lit en pleine nuit, fourrés dans des voitures cellulaires, jetés au cachot ou envoyés en exil. Leur temple est rasé, leur bouche scellée, leur plume brisée, leur loi déchirée au nom de la religion, de la propriété, de la famille et de l’ordre. Des bourgeois fanatiques de l’ordre sont fusillés à leur balcon par une soldatesque ivre, la sainteté de leur foyer est profanée, leurs maisons sont bombardées en guise de passe-temps, tout cela au nom de la propriété, de la famille, de la religion et de l’ordre."
Je ne suis pas d’accord sur la question du mépris des paysans par Marx. C’est l’allégorie du sac de patate, et elle est très éclairante pour comprendre la base sociale du bonapartisme… Le paysan à parcelle, c’est l’Américain surendetté qui va bientôt perdre les seuls emblèmes de sa dignité: son shoebox et son char. On est loin d’une théorie du complot.
Le rapport de Marx aux paysans est ambigu. Il publie un texte charnière pour son œuvre dans la Gazette Rhénane en 1842, qui porte sur le vol de bois chez les paysans. Plus tard, toute la partie historique du Capital revient sur la question de la paysannerie à travers les réflexions sur la féodalité, les encolsures et l'accumulation primitive. On parle quand même de l'"abêtissement de la vie rurale" dans le Manifeste du Parti Communiste (1848) et Marx a des mots très durs sur les paysans dans la Lutte des Classes en France (1850)... Au-delà de Marx, on peut dire que la nature essentiellement urbaine du mouvement ouvrier au 19e siècle pose parfois problème quand vient le temps d'expliquer les motivations politiques paysannes. Il faut lire la Terre de Zola pour voir ce mépris à l'œuvre. J'irais plus loin en disant que cette tendance urbanocentrique est restée présente dans certains mouvements de gauche, même si plusieurs ont tenté de s'en défaire.
Je n'accuse pas du tout Marx de tomber dans les théories du complot, mais je vois cette tendance se dessiner chez des analystes contemporains pour qui le problème serait à chercher essentiellement dans le discours. Selon cette logique, si les "paysans" modernes (ou leur équivalent) appuient Trump, c'est parce qu'ils seraient corrompus d'en-haut par des méchants médias payés par les lobbys conservateurs. Il conviendrait alors de les éclairer de nos lumières pour que tout change. Je caricature un peu, mais vous voyez le topo. C'est ce que je qualifierais de "complotisme soft", dans le sens où on balaye du revers de la main les motivations des trumpistes comme étant foncièrement irrationnelles et téléguidées par des agents malveillants. Je pense, au contraire, que cette malveillance est structurelle, et qu'elle est à chercher dans l'organisation de la société, de l'économie et du territoire américains. C'est en ce sens que je citais Robert Putnam dans un billet d'il y a un bout pour parler de "sociétés construites pour s'autordétruire". Je vais sonner comme Henri Lefebvre, mais l'imaginaire trumpien est une production de l'espace américain, pas une manipulation. Du reste, je suis d'accord avec vous que l'allégorie du sac de patates est éclairante. C'est la force de Marx d'arriver à identifier les conditions matérielles de production des idéologies et des discours.
Merci pour l'analyse rafraîchissante dans le paysage québécois et pour le tour d'horizon des différentes tentatives de faire sens de ce qui en semble dénué.
Et l’économie de sycophantes féminines
Est-ce mon esprit de clocher?
Je crois sincèrement que je ne pourrais être né à une époque plus exhalante de l’humanité
Les classes laborieuses?
Nah!
On sait tous très bien que nous avons les ressources et les machines pour fournir à chacun bien plus qu’un toit et à manger.
Il est clair que les jobs dont personne ne veut et que les machines ne peuvent honorer seront bientôt les mieux payés.
Connaissez-vous beaucoup de banquiers ou de personnes siégeant sur des C.A. ne pouvant être avantageusement remplacée par des avatar IA?
Et les tartes infectes qui rubberstampent les élubrications de L’agent orange ou les aspirations écocidaires de nos mononcles caquistes n’ont rien de plus humaines que leurs patrons.
Poid Lièvre par contre c’est autre chose.
Unique, sans équipe apparente.
Tout le budget botox, cosmétique, diction etc concentré sur un gars
Des dizaines de spin doctor sur huit phrases .
Donc des phrases parfaites aléatoirement données à n’importe quelle question.
Des sourires colgatés aux 39,796 secondes