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Avatar de Pierre-Ange Despiaux

Le français, ou quelque langue que ce soit, est une chose, un matériau que l'on peut utiliser pour communiquer ce que l"on veut faire passer comme message; une langue est tout bêtement, tout simplement ce que l'on veut en faire: un outil de pouvoir, instrumentaliser par un pouvoir, ou un outil qui peut aider à s'affranchir d'un pouvoir qui cherche à assujettir (entendez: asservir) à ces propres fins qui la parle et s'en sert pour vivre. Le français n'est pas plus ce hochet autoritaire que vous dépeignez que l'anglais, le chinois, le russe ou l'espagnol. Sinon, on tombe dans le piège d'une forme d'essentialisme de la langue, ce qui revient à dire que certaines seraient plus aptes à exprimer ceci ou cela, certaines autres ne le seraient pas. D'où une inégalité entre langues, certaines seraient supérieures à d'autres, etc. Il ne faut pas tomber dans le piège que vous cherchez peut-être vous-même à dénoncer, à savoir que certaines auraient été conçues dans le but d'asservir ses locuteurs. Je répète: une langue est ce qu'on en fait. Point. S'il faut s'attaquer, critiquer les inégalités de toutes sortes, c'est d'abord et avant un combat politique et économique.

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Le commentaire sera très partiel puisque je n'ai pas lu le livre d'Al-Ghabri ; je soulignerai néanmoins qu'une "élite" symbolique n'a peut-être qu'un statut secondaire, celui que Bourdieu indiquait par les termes "dominés parmi les dominants". Les espaces de l'éducation, du journalisme traditionnel, de l'édition, du communautaire, le service public, etc, qui tous mobiliseraient une "idéologie woke" complaisante, restent des espaces assez marginaux.

Du moins il faudrait opérer une cartographie du pouvoir pour déterminer ce qui est central, marginal, effectif, conditionnant ou conditionné. Dans un schème matérialiste, il n'est pas possible de prendre la notion de capital symbolique très au sérieux. Le schème bourdieusien, qui permet cette notion, est peut-être encore assez dernier siècle : il suppose encore que la distinction est produite verticalement à partir d'un centre.

En vérité on peinerait aujourd'hui à déterminer qui détient les clefs de la distinction ou de la culture ; la société n'est pas si unifiée ou centralisée autour d'un bloc qui serait l'État. La classes intellectuelles, "conseillers au pouvoir", grands scribes égyptiens obèses qui feraient l'opinion publique, n'est pas facilement identifiable. Les classes lettrées sont aujourd'hui déclassées. Le fait d'avoir une position élevée dans le monde académique ne veut rien dire politiquement.

Les professeurs de collèges peuvent vivre une sorte de culpabilité s'ils trouvent ça bon pour leur conscience, comme ils peuvent s'imaginer faire partie de l'élite culturelle - dans les deux cas il y a quelque chose qui remonte la croyance que tout ça est un drame central. En vérité l'école est une institution moribonde, subordonnée, sans grande importance sociopolitique. Son déclin est le même que celui de la nation. La culture aujourd'hui est déterriorialisée ; c'est ce qui fait l'obsession des nationalistes. On parlera donc surtout d'une petite élite locale réactionnaire plus qu'autre chose (au Québec nous n'avons rien d'autre, semble-t-il).

Les classes lettrées sont autant coupées du reste du social que les autres classes, puisqu'il n'y a pas de classe sociale universelle (qui serait le prolétariat) depuis pratiquement cent ans. Si on peut reprocher quelque chose aux classes lettrées c'est probablement les restes de leur technophobie et de leur fétichisme culturel (la langue), qui les fait pencher du côté nationaliste et réactionnaire, plutôt qu'une quelconque une compromission avec le pouvoir qui les éloignerait du peuple.

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