Survivre à la dépression saisonnière grâce à la photothérapie
L'optimisme vacillant du Père Duchesne
J’ai d’abord voulu vous parler de la grève, mais je n’ai rien à vous dire que vous ne savez pas déjà. La CAQ, en gestionnaire du déclin, nous parle de la “capacité de payer” des contribuables. Pendant ce temps, la façade de l’établissement où j’enseigne menace de s’effondrer, au point où on a dû fermer vendredi jusqu’à nouvel ordre le bâtiment principal en pleine période d’examen. Je voudrais en faire une sorte d’allégorie, mais elle est trop facile.
Je ne sais pas pour vous, mais je me demande en quelle année est-ce que nous avons décidé d’abolir l’avenir ? En plus des caquistes qui gèrent cette province comme un concessionnaire Hyundai de Trois-Rivières, l’actualité internationale est là pour nous rappeler que ça ne va pas mieux ailleurs, si vous pensiez vous enfuir.
En France, vous avez des abrutis qui en appellent à la guerre raciale à cause d’une fête de village qui a mal tourné. N’allez pas chercher “Crépol” sur TikTok, vous allez aggraver encore votre dépression… Déjà qu’au Pays-Bas et en Italie on élit des fascistes. En Argentine, Milei donne une sorte d’avant-goût de la suite. Au moins c’est drôle, vous me direz, et on rira bien jusqu’au bout… À Dubaï, c’est d’ailleurs la COP28 si vous voulez vous amuser un peu plus. Et puis la guerre : l’Ukraine, qu’on oublie dans l’hiver, Gaza dont on ne voit pas le bout, et maintenant Maduro qui réclame les deux tiers du Guyana… Face à tout ça, sans hésiter, je me suis équipé d’une lampe de photothérapie.
Éclairer le bonheur
Je me dis que, malgré le chèque de paye amputé par la grève et le prix des loyers, malgré le provincialisme sans avenir de la CAQ et les troubles anxieux à la chaîne de mes étudiants, malgré les 140 copies que je risque de devoir corriger à Noël parce qu’on remplit mes classes à ras-bord, malgré les Kings de Los Angeles et le tramway de Québec, malgré la perspective d’une apocalypse climatique ou nucléaire, malgré la guerre et la droite qui cause tranquillement “guerre civile” en France, aux États-Unis et en Espagne… la baisse de luminosité est sans aucun doute mon principal problème.
Le rythme circadien, sous nos latitudes nordiques, est un défi de tous les jours. Et me voilà au matin, presque au bout des 140 copies qui précèdent les 140 suivantes, avec la “Happy Light” qui m’envoie 10 000 lumens en pleine gueule. S’il y avait une image du bonheur, ce serait celle-là. L’Aufklärung du 21e siècle commence par la photothérapie.
La disparition des identitariens et un César bien de chez nous
Je sais, j’ironise, mais je ne sais pas trop où tirer un fil qui nous mettrait de bonne humeur. Même nos identitariens, habituelles têtes de Turc, sont passés en mode fantôme. Soudain, depuis un ou deux mois, c’est comme si personne n’avait participé à la grande lessive.
Au moins, à l’époque, il y avait de quoi rire du genre d’humour qu’affectionne le Père Duchesne. Je m’ennuie presque de voir une gaufre qui vous parle de “mots-armes” ou qui organise un bûcher où jeter votre DVD d’Annie Hall, mais les Inquisiteurs du dimanche sont presque disparus du jour en lendemain en laissant derrière eux la logique d’annulation.
C’est d’ailleurs arrivé cette semaine à Judith Butler, dont la Mairie de Paris a annulé la conférence parce qu’elle menaçait de “susciter la polémique”. C’était à peu près clair que ça finirait comme ça, que la mécanique de censure sans le pouvoir de l’appliquer finirait par nous retomber dessus... Voilà qui est fait, et personne ne sait plus trop comment remettre le dentifrice dans le tube.
Aux États-Unis, des commentateurs de droite évoquent sans hésiter un “nouveau césarisme” pour purger l’Amérique de la “menace woke”. J’ai même vu un compte d’extrême-droite, sur Twitter, qui souhaitait un césarisme à la québécoise. Comme le compte est suivi par Bernard Drainville, je n’ai pas pu m’empêcher de l’imaginer en César. Ça, voyez vous, c’est un peu plus drôle : César Drainville. Imaginez maintenant la dictature de la médiocrité. Je vous le dis, cette séance de photothérapie fonctionne à merveille.
Allô.
Je pense que bell hooks s’impose en ce moment (plus que Lénine, en tout cas (no hard feelings)). Il tombait des pattes de lapin en face de la future Nothvolt ce matin. J’espère que tu tiens le coup. La lumière est dehors. Ok?
Merci pour vos textes.
Pour garder espoir je me dis que plus l'obscurité progresse, plus lumineuse devient chaque flamme.
Et puis, c'est bien sur la merde que poussent les plus belles fleurs.
Etc. etc.