2023 est à peine commencé que les Brésiliens ont déjà eu à subir une tentative de Coup d’État. Sur fond de météo calamiteuse, d’offensive russe et d’inflation galopante, la nouvelle année s’annonce encore pire que les dernières, elles-mêmes déjà merdiques.
Tous les ingrédients semblent aujourd’hui réunis pour la descente aux enfers des démocraties. Les Américains ont eu droit au cirque de l’élection du président de la chambre, Kevin McCarthy, torpillée par les trumpistes du parti républicain. Ceux qui doutaient que le trumpisme survivrait à Donald Trump devront se raviser : cette idiotie est là pour rester.
En Ukraine, les Russes continuent de mourir par milliers sans que leur résolution soit entamée. La mobilisation de 150 000 nouveaux soldats ne laisse rien présager de bon pour le printemps. Nous sommes devant une guerre longue, qui ne pourra que continuer de s’intensifier et de s’étendre. Déjà l’Iran s’implique avec ses drones-missiles et, à ce rythme, la Chine pourrait bien être un jour de la partie.
La démocratie est bombardée de toutes parts, métaphoriquement et physiquement et la météo continue de s’emballer. L’Europe voit des chaleurs record, et le froid atteint jusqu’aux régions du Sud des États-Unis. Pendant que les êtres humains s’entre-déchirent dans un monde où la laitue coûte quatre piastres canadiennes, le climat de la planète continue de se morpionner. Ce n’est pas une grande prédiction, mais 2023 sera sans aucun doute une autre année de records cataclysmiques.
Comme si ce n’était pas assez, les médias nous régaleront d’une fournée de scandales, question d’alimenter nos culture wars. Vous aurez à vous prononcer sur la liste des indésirables, des “films qu’on ne pourrait plus montrer” ou des “livres qu’on ne pourrait plus lire”. Des hypocrites continueront de faire semblant d’y croire et le “débat” public s’enfoncera toujours plus dans la glaise du Siècle dont on a éteint les Lumières.
Les années bêtes
Nous voilà donc bien arrangés. Deux ans après avoir commencé, les années 20 s’annoncent catastrophiques, bêtes, obscures et violentes, coincés entre “gauche cannibale” et “droite vandale”, pour reprendre les expressions d’Alain Deneault. Pourtant, le Père Duchesne n’en perd pas sa bonne humeur. À partir du moment où l’on reconnaît que tout est affligeant dans le pire des mondes possibles, n’importe quel geste de résistance est une amélioration.
Nous sommes dans une époque qui n'en finit plus d'annoncer sa fin. Le problème c'est que le monde n’arrête pas de continuer pour autant. Quand bien même tous les glaciers fondraient-ils et qu’on se mettait à parler russe à Shawinigan, le monde serait toujours à subir.
Il y a quelque chose, au fond, de très présomptueux dans le fait de nous placer nous-mêmes au bout du parcours de l'Histoire alors qu’il est autrement plus probable que nous soyons simplement en train de traverser une époque ordinaire : ennuyeuse, merdique comme tant d’autres, sans envergure… et qui ne fera sans doute l’objet d'aucun encadré dans les livres d'histoire du futur, d'aucune anthologie.
Personne ne pourra nous regarder perdre notre temps sur Facebook ou PornHub et dire “this was their finest hour”, comme l’a fait jadis le gros Churchill. N’en déplaise aux millénaristes climatiques, nous vivons, sans doute, une époque sans importance, ce que les historiens appellent poliment “un moment de transition” entre le spectaculaire 20e siècle et l'invention de la machine à faire parler les chiens.
Le monde qui vient
Tout est merdique, donc, mais la résistance est d’autant plus facile à imaginer. Alors que les démocraties montrent des signes de faiblesse, le constat qu’il n’existera pas de changement sans faire de politique commence à s’imposer, et pas de la politique comme dans la maxime crétinozoïde “tout est politique”. La résistance ukrainienne n’est qu’un exemple, mais l’organisation contre les forces qui veulent détruire nos institutions devra se faire ici aussi.
Nous aimons tellement notre déclin qu’il y a quelque chose de presque honteux à vouloir être optimiste. Pourtant, les années du grand awokening et de la politique performative essentiellement virtuelle vont tirer à leur fin un jour ou l’autre, et il faudra bien s’arranger avec ce qu’il nous reste. Ce désert est encore à traverser, mais déjà des signes d’organisation plus concrète commencent à se voir.
En France, une coalition de gauche a fait vaciller le gouvernement macroniste. Le syndicalisme semble aussi opérer un timide retour en Amérique, alors que la perspective d’une grève du rail a donné quelques sueurs froides à l’administration Biden. En Allemagne, au Royaume-Uni, les mouvements pour le climat se radicalisent, laissant planer la perspective d’une grève globale.
Une chose est certaine, la génération qui s’en vient ne pourra pas être plus imbécile que celles qui l’ont précédée. Tout au plus pourra-t-elle être aussi lamentable, mais cette fournée à qui l’on n’a cessé de répéter qu’elle n’avait aucun avenir et que c’était mieux avant finira par nous surprendre. Sinon, ce sera la prochaine.
Le Père Duchesne, comme vous le voyez, pétarde d’optimisme pour sa nouvelle saison. Quelque chose, quelque part, finira par bouger, et si rien ne bouge, tant pis, il y aura toujours de quoi rire. Le monde n’en finira pas de finir, et nous n’avons encore rien vu