Cher chroniqueur du désenchantement, vous manoeuvrez la plume du sarcasme comme d’autres, jadis, maniaient l’encensoir. Et pourtant, sous les suaves railleries monarchiques, je crois entrevoir une inquiétude plus vaste, un vertige plus ancien : celui de l’homme moderne devant le spectacle de son propre esclavage volontaire, déguisé en cérémonie.
Il s'agit en effet d'un théâtre étrange que celui d’un Roi transplanté dans le frette de la colonie, au milieu d’une foule polie (et dépolitisée?), applaudissant non pas une autorité réelle, mais le fantôme d’un ordre disparu, comme si la foule se contentait d'humer une flatulence pour se consoler de s'être vu refusé l'accès au banquet.
Le souverain parade au lieu de régner. Le Canada non plus ne gouverne pas, il simule. Il mime la souveraineté comme on rejoue une scène antique, sous les feux d’une scène qui n’éclaire plus rien.
Vous le dites avec raison : notre époque, ivre de ses propres ruines, semble vouloir raviver les braises mortes de ses vieilles chapelles. Au camping du concert des nations, on veut se faire griller la guimauve en allumant des bûches mouillées.
Mais peut-on réellement conjurer le vide en y installant des reliques? Peut-on bâtir une dignité collective autour d’un trône sans pouvoir ou d’un dôme sans foi? Il est à craindre que ces gestes d’“acte de souveraineté” ne soient que des soupirs dans un monde vidé de substance (j'en reviens à un thème cher à moi : c'est comme une flatulence causée par un appel d'air plutôt que consécutive à un repas rassasiant) – vidé de substance donc - une société de consommation politique qui, ayant oublié la liberté, se gave de symboles, comme une oie dont on engraisse le foie de force.
Le capital, quant à lui, se moque bien des couronnes et des crucifix. Il règne sans faste, sans folklore, mais avec une rigueur mathématique implacable. Il n’a besoin ni de Roi ni de Pape : seulement d’un consommateur fidèle, d’un territoire à épuiser, d’une main-d’œuvre docile. Et dans ce grand marché au puces global, le Canada n’est plus qu’un kiosque interchangeable (un kiosque poli, bilingue, et nostalgique).
Vous concluez ainsi : “il est un peu tard pour rêver.” Peut-être, mais il n’est jamais trop tard pour voir clair. Et ça, c'est déjà beaucoup, si toutefois on a au minimum pour ambition de ne pas trop nuire à son prochain.
Cher chroniqueur du désenchantement, vous manoeuvrez la plume du sarcasme comme d’autres, jadis, maniaient l’encensoir. Et pourtant, sous les suaves railleries monarchiques, je crois entrevoir une inquiétude plus vaste, un vertige plus ancien : celui de l’homme moderne devant le spectacle de son propre esclavage volontaire, déguisé en cérémonie.
Il s'agit en effet d'un théâtre étrange que celui d’un Roi transplanté dans le frette de la colonie, au milieu d’une foule polie (et dépolitisée?), applaudissant non pas une autorité réelle, mais le fantôme d’un ordre disparu, comme si la foule se contentait d'humer une flatulence pour se consoler de s'être vu refusé l'accès au banquet.
Le souverain parade au lieu de régner. Le Canada non plus ne gouverne pas, il simule. Il mime la souveraineté comme on rejoue une scène antique, sous les feux d’une scène qui n’éclaire plus rien.
Vous le dites avec raison : notre époque, ivre de ses propres ruines, semble vouloir raviver les braises mortes de ses vieilles chapelles. Au camping du concert des nations, on veut se faire griller la guimauve en allumant des bûches mouillées.
Mais peut-on réellement conjurer le vide en y installant des reliques? Peut-on bâtir une dignité collective autour d’un trône sans pouvoir ou d’un dôme sans foi? Il est à craindre que ces gestes d’“acte de souveraineté” ne soient que des soupirs dans un monde vidé de substance (j'en reviens à un thème cher à moi : c'est comme une flatulence causée par un appel d'air plutôt que consécutive à un repas rassasiant) – vidé de substance donc - une société de consommation politique qui, ayant oublié la liberté, se gave de symboles, comme une oie dont on engraisse le foie de force.
Le capital, quant à lui, se moque bien des couronnes et des crucifix. Il règne sans faste, sans folklore, mais avec une rigueur mathématique implacable. Il n’a besoin ni de Roi ni de Pape : seulement d’un consommateur fidèle, d’un territoire à épuiser, d’une main-d’œuvre docile. Et dans ce grand marché au puces global, le Canada n’est plus qu’un kiosque interchangeable (un kiosque poli, bilingue, et nostalgique).
Vous concluez ainsi : “il est un peu tard pour rêver.” Peut-être, mais il n’est jamais trop tard pour voir clair. Et ça, c'est déjà beaucoup, si toutefois on a au minimum pour ambition de ne pas trop nuire à son prochain.