Et ça continue, encore et encore...
La Père Duchesne lance en grande pompe sa nouvelle saison
Je sais, je sais… Je vous avais promis une série d’articles sur la Côte-Nord qui seraient publiés tranquillement durant l’été, mais ce vieux sac-à-vin de Père Duchesne a préféré prendre des vacances. Ce qui n’a pas aidé, c’est que la saison des chanterelles a été exceptionnelle, avec toute la pluie, et qu’il a fallu en ramasser pour les réserves. C’est comme ça, le Père Duchesne cueille les idiots en hiver et les champignons en été.
Parlant d’idiots, nous avons été servis ces derniers mois. D’abord, il y a eu cette histoire de Premier Ministre qui se met à lire du Kevin Lambert. C’est drôle, mais j’attends encore ses commentaires sur Querelle de Roberval. La dernière fois que j’ai mis le livre au programme dans un cours, un étudiant m’a supplié de ne plus jamais le remettre parce que c’était “de la littérature obscène”.
Sinon, vous êtes nombreux et nombreuses à être allés voir les blockbusters de l’été. Hollywood a lancé une grande offensive publicitaire, qui semble en avoir convaincu plusieurs d’aller attraper des punaises de lit dans un siège de Mégaplex. Évidemment, le Père Duchesne n’est allé voir ni Oppenheimer, ni Barbie. D’abord parce qu’il n’en a rien à foutre de Christopher Nolan, ensuite parce que sa fille a trouvé Barbie “très drôle” et qu’il n’a pas l’intention de la contredire.
Le pire été encore
Évidemment, cet été 2023 a encore été le pire de tous les étés. Dans la colonie canadienne, les incendies continuent de brûler tandis qu’il y avait des inondations dans l’Est. L’Europe a connu le même sort : inondations au Nord, canicule dans le Sud. Tout ça pendant qu’Hawaï brûlait. Bientôt, ce sera comme les fusillades aux États-Unis : les catastrophes naturelles feront des entrefilets dans les journaux, puis plus rien. Ah, j’oubliais… Il n’y a plus de journaux.
Nous avons aussi eu droit à une “offensive d’été” en Ukraine, mais ça a été dur de comprendre où tout ça menait. Quelques villages ont changé de main. L’automne approche déjà, la guerre va sans doute finir par s’embourber encore. Les Africains ont l’air bien décidés à bouter les Français hors d’Afrique. Au Mali, en Guinée, au Niger… les africanistes ont le vent dans les voiles, et ils agitent le drapeau russe pour narguer les anciennes puissances coloniales. On pourrait bien finir l’année avec une guerre africaine par-dessus le marché… Ce n’est pas encore la guerre mondiale, mais ça commence de plus en plus à ressembler à une “opération spéciale” mondiale.
Et puis, aux États-Unis, chaque poursuite contre Donald Trump ajoute au cirque qu’était déjà la politique américaine. Ses supporteurs, loin de lui tourner le dos, y voient une conspiration de plus orchestrée par Biden et le “Deep State”. Tout ça va très mal se finir.
Comme vous le voyez, donc, les nouvelles sont excellentes!
En guise de rappel
Pour les nouveaux abonnés (il y en a plusieurs), je rappelle que le Père Duchesne est une infolettre de combat, dont le sujet principal est ce que les latins appellent les “culture wars”. Les derniers mois ont cependant vu un infléchissement assez perceptible à ce sujet, une sorte de fatigue qui s’est installée dans les rangs.
D’abord parce qu’il est arrivé ce qu’on annonçait depuis longtemps : en amenant le discours sur le terrain de l’identité, la gauche libérale jouait un jeu dangereux, qui finirait tôt ou tard par profiter à ses adversaires. Nous voilà donc, à l’orée de l’automne 2023, devant un conservatisme décomplexé, qui reprend certaines de ses thématiques les plus effrayantes.
C’est le cas sur le Twitter d’Elon Musk, où le discours eugéniste a le vent dans les voiles. J’écris “eugéniste” en toussotant, mais je vous assure qu’il ne s’agit pas de surenchère. Dans les dernières années, certains ont crû bon crier au “racisme” et au “fascisme” à tout vent, au risque de ne pas être crus quand le loup se pointerait pour vrai dans la bergerie. J’aurai l’occasion d’en reparler, mais la pensée raciale commence à s’installer au grand jour de manière beaucoup moins marginale qu’au temps de la “Alt-Right” et des débuts de MAGA.
En France, Vincent Bolloré a mis la mains sur le Journal du Dimanche, ça lui fait déjà un joli empire avec CNews, Europe1 et Canal+… Pour ceux qui n’auraient pas suivi, Bolloré est le patron de presse qui est derrière l’omniprésence de figures comme Éric Zemmour ou Mathieu Bock-Côté. Cette droitisation de l’espace médiatique, en France comme ailleurs, laisse présager des jours tumultueux pour la démocratie.
La fin des culture wars ?
Après plus de 10 ans de militantisme online, la gauche libérale ressort amoindrie d’un combat qu’elle a essentiellement mené contre elle-même. Que ce soit par des campagnes de “cancellation”, qui se sont avérées souvent inutiles ou fratricides, ou par l’organisation d’Olympiques de l’oppression, qui ont favorisé la capture d’élite et l’amplification des inégalités, les dix dernières années doivent être évaluées à l’aune de l’échec politique qu’elles ont engendré.
Même les quelques victoires du féminisme et de l’antiracisme semblent aujourd’hui compromises devant le ressac. Douze ans se sont écoulés depuis 2011, Occupy Wall Street, les Printemps Arabes et les grèves étudiantes, et la gauche se retrouve aujourd’hui plus marginalisée, plus désunie et plus incapable que jamais à un moment où la planète et les sociétés humaines sont à un point critique.
Je n’aime pas utiliser le vocabulaire de la “crise”, mais c’est sans doute le terme à utiliser ici, tant pour parler de crise climatique que de crise démocratique. Nous entrons dans une ère d’incertitude, et ceux et celles qui arriveront à faire pencher la balance décideront du monde qui s’en vient.
Le futur
J’ai passé une bonne partie de l’été à lire les Misérables de Victor Hugo. Hugo avait, au creux de son dix-neuvième siècle, une foi inébranlable dans le Progrès et l’Avenir. Si je cite souvent Mark Fisher et sa phrase “Qu’a-t-on fait de notre futur ?”, c’est que nous vivons dans un présent éternel fait de futurs avortés. Les utopies du 20e siècle ont cédé le pas à la magnification d’un passé inventé ou à son effacement, nous sommes dans ce que François Hartog appelait une “crise du temps”, qui appelle une résolution.
J’enseigne à une génération qui arrive sur les bancs d’école et à qui on dit qu’elle n’aura aucun avenir, une génération qui a déjà sacrifié deux ans pour des mesures sanitaires, et à qui on dit que le monde tire à sa fin de toute façon. On a tué Jean Valjean pour leur laisser le choix entre Javert ou les Thénardier, et on attend d’eux qu’ils ne finissent pas dépressifs ou influenceurs fitness.
Cette nouvelle saison du Père Duchesne sera donc sous le signe du futur, pour essayer de réparer ce qui reste et d’aller de l’avant. Le cynisme a bonne presse, mais nous devons beaucoup plus au monde qui s’en vient que d’avoir eu raison sur son compte.
C’est que le début, d’accord, d’accord.
Y avait tellement de bleuets 🫐 aussi!
Pour le reste, de Roberval à l’île de Maui, va falloir s’accrocher. Bon retour.
Je ne sais pas à quel point Querelle de Roberval est « obscène ». Peut-être même que le livre aurait donné l’idée à Legault d’embrocher tous ses adversaires dans un bon méchoui. Si je peux me permettre, mon papier sur le roman de Lambert : https://jacquesdesrosiers.blog/2019/11/03/de-querelle-en-querelle/